lundi 9 décembre 2013

9 kilos en moins et quelques frayeurs

Il l'a fait ! Des moments exceptionnels et aussi bien des galères, des mises au tapis, l'absence de gaz, un choc dans le safran et surtout la privation de BLU et par conséquent d'informations météo pendant quasi toute la course. 
Voici l'épopée de Jean-Baptiste, une longue traversée en solitaire de 25 jours, 3 heures, 16min et 26 secondes à bord d'un bateau de 6.50 mètres. Une bataille dans laquelle l'homme a perdu 9 kilos.

Sada - Lanzarote, records de vitesse et belles frayeurs
La descente vers Lanzarote s'annonçait secouée et elle l'a été. La veille du départ il était annoncé 45 nœuds, mais la matin du départ les choses semblaient vouloir se calmer un peu. J'en ai pris bonne note. Après un départ moyen, ni vu ni connu je suis allé à l'ouest où j'ai rencontré des vents de 40 nœuds maxi et une mer dure, mais pas dangereuse comme le long des côtes. Les vagues n'étaient "que" de trois mètres de haut mais elles étaient très courtes, je me retrouvais donc quasi à la verticale pour la descente, je m'efforçais à coups de barre d'éviter la ligne droite mais bien évidemment à un moment j'étais sous spi de brise, le bateau s'est planté à la verticale et s'est couché. J'étais dans l'eau, attaché, heureusement j'avais ma combinaison sèche. J'ai évalué aussi calmement que possible la situation, ai laissé la bateau couché avec 20 litres d'eau à l'intérieur, et j'ai amené le spi avec un winch.
Ensuite j'ai passé une nuit magique à 12 nœuds dans la descente vers Lanzarote, dans une mer calme avec des vents de 20 - 25 nœuds, sous une lune magnifique. C'était sans doute ma plus belle nuit de la course.
A un moment, alors que je dormais, la bateau est parti au tas. 27 nœuds de vent. Le pilote s'était déconnecté de la barre. Je me suis mis face au vent, ai rentré de spi par l'arrière (et oui). Pendant deux heures j'étais à la cape. J'ai bricolé le pilote avec du tape et l'opération a tenu jusqu'au bout de la route.
Et puis il y a eu un choc dans le safran dont je n'ai pas déterminé la nature, j'ai eu une frayeur mais le safran était indemne.
En quatre jours j'ai dormi trois heures, autant dire un peu de fatigue accumulée !

Pas de BLU
Dès les début de la course ma BLU s'est fait porter pâle, je n'avais donc aucune idée de l'endroit où se trouvait la flotte.
J'ai eu des infos par le comité de course en passant à Lanzarote et là j'ai su que j'étais 4e. Je savais aussi que je n'aurais plus aucune donnée météo et qu'il me faudrait faire sans le mieux possible. Heureusement que grâce aux cours de Christian Dumard j'avais une bonne idée des systèmes météo ! J'avais un cahier, je m'étais dessiné un tableau avec les données barométriques pour essayer d'appréhender l'affaire qui allait s'annoncer plus complexe que prévu : Aux baisses de baro j'attribuais une dépression, les vents tournaient de façon bizarre, il y avais des grains etc... Je me suis alors rendu compte que j'étais dans un tawleg. Et ainsi de suite jusqu'à l'approche des côtes de la Guadeloupe !
La traversée n'a pas été une partie de plaisir, loin de là : la mer était dégueu, le bateau tapait en permanence.

Pas de gaz
J'ai fait 1300 milles sans gaz, donc pas de petits plats chauds, rien. Il fallait donc laisser dans l'eau les lyophilisés très longtemps, mais pas trop longtemps non plus car sinon cela devenait une bouillie infâme ! Ce n'était pas la croisière gastronomique, ça c'est sûr !

Approche de l'arrivée
Le 2 décembre j'ai commencé à toucher du vent, j'ai explosé mon spi médium. Seule solution, avancer les voiles en ciseaux car il y avait trop de grains pour mettre le spi lourd. Le 6 décembre, Alberto Bona a pu me communiquer par VHF des informations. C'était la première fois que je parlais à un concurrent depuis le début de la course (hormis les infos du comité au passage de Lanzarote) !
Les derniers jours de course je voyais les copains gratter mais je ne pouvais rien faire, sinon avancer au mieux.
J'ai pleinement réalisé que je l'avais fait lorsque j'ai vu un catamaran de croisière venir à ma rencontre, à la hauteur de la plage de Sainte-Anne. Et là, je me suis effondré littéralement, chialant de toutes mes forces, totalement submergé par l'émotion, c'était la délivrance. Je l'ai fait !

Une transat très dure
J'ai pris peu de plaisir, c'était vraiment éprouvant, stressant, pas un moment de répit. C'est long, très long. Tu descends, tu te projettes sur la traversée, plus que 2500 milles. Et ce n'est plus du tout pareil, cela ne ressemble pas à ce à quoi tu t'attendais. Il faut alors une certaine force pour psychologiquement te remettre dans la course ! 
En moyenne j'ai dormi 3 heures par 24 heures, arfois le réveil n'arrivait pas à bout de mon sommeil. J'ai eu des moments d'épuisement mais pas d'hallucinations.

Pas de repères
Comme je n'avais aucune info je n'avais aucun repère. Chaque jour, chaque nuit à venir étaient du domaine de l'inconnu. Pour me sentir moins seul, tous les jours je me faisais une séance de conversation avec ma caméra GoPro, et ça me faisait un bien fou !

Le bonhomme
Le bonhomme a fondu, il a 9 kilos de moins ! Ce sera drôle de visionner les vidéos : double-menton au départ, svelte à l'arrivée. En dehors de ça tout va bien, je me suis attaché à conserver une certaine hygiène, à me laver chaque soir avec mes lingettes pour bébé. Mes mains en revanche en ont pris un sacré coup, elles sont toute blanches, la peau s'en va...


Ce dont je suis fier
Mon journal de bord. Mes tableaux et mes dessins avec les angles de vent pour me repérer, ma compréhension de la météo. J'ai préservé le bateau. Je trouve que traverser l'Atlantique sans météo et arriver 7e, c'est pas mal pour un amateur comme moi.



4 commentaires:

Christophe Mahé a dit…

Je peux mette un petit commentaire JB, c'est Christophe, je confirme, c'est pas mal ... En fait bravo. Ah mon avis le pire, la plus sale blague c'est la panne de gaz, ça c'est dur, pour la santé, le moral et tout le reste, zut c'est con, ce putain de gaz t'as au moins coûté 3 places ... Tu restes aux Antilles un peu. Je traverse vers la Guadeloupe, j'y serais vers le 20/25 Janvier, si t'es là, j'enchaîne ensuite, Cap Vert France et j'espère dégoter une ou. 2 transats avant l'été ... À bientôt j'espère, encore Bravo

Anonyme a dit…

Salut JIB!

Impressionant ton recit! et moi qui m'arrachait les cheveux les deux dernieres semaines, meme mes enfants connaissent ton prenom par Coeur eux qui m'ont entendu jurer par tous les dieux, en voyant ta strategie peu claire lors des derniers 1500 milles...moi j'avais les fichiers grib devant les yeux..evidemment sans radio tout s'explique. Je suis hyper impressionne !
Bravo
Vincent

Anonyme a dit…

hello JIB,
belle force mentale, t as tenu le coup, et t'arrives dans le top 10,forcé de naviguer à l'ancienne..
félicitations, tu peux être fier; en tout cas nous on l'est.
à très vite, pour un bon vieux rhum dans un canap, au chaud, avec les cousins.
Steph et ben

beber a dit…

Salut Jib
tout d'abord un grand bravo pour cette belle course.
Ensuite fait attention car les kg perdus se reprennent très vite et en double (vécu).
Très heureux d'avoir pu faire cette Mini (comme ca j'ai pas eu a te suivre sur la carto) avec toi même si on ne s'est pas vu beaucoup (c'est un peu l'objet du solo avec des bateaux différents). Tu dois tout cela a ton travail, aux personnes qui t'accompagne et ta motivation.
Pour les mauvaises idées de t'avoir montré cette course en 2007 je m'en excuse :))
en plus on se fait plein de belles connaissances, vraiment pas drole! bises a tous les supporter de Jib et du 607!!